Ce que Malot en dit

La fable : Le père du jeune Romain disparaît en mer, au cours du sauvetage d'un navire en perdition. La mère, peu fortunée, confie Romain aux bons soins d'un oncle, avoué. Ce dernier exploite l'enfant, le faisant beaucoup travailler pour une bien chiche nourriture. Romain s'enfuit, désireux de gagner la côte pour s'embarquer comme mousse et peut-être faire fortune. En chemin, il rencontre Diélette, une fillette, enlevée par des saltimbanques qui utilisent ses talents dans un spectacle de dressage. Les deux enfants s'enfuient et gagnent Paris pour tenter de retrouver la mère de Diélette. La jeune fille, épuisée, tombe malade, elle est hospitalisée. Pendant ce temps Romain apprend la mort de la mère de Diélette. Il ramène alors son amie à sa propre mère et embarque, comme passager clandestin, sur un navire dont il espère devenir mousse. Une tempête met en perdition le bateau dont Romain parvient à ramener l'épave à la côte. Le jeune garçon est sauvé. On apprend que l'oncle maternel, qui a fait fortune en Inde, vient de mourir, laissant ses biens à son neveu. Romain épouse Diélette. Il peut maintenant subvenir aux besoins de sa mère.

L'argument : Par ce roman, H.Malot manifeste sa volonté de s'inscrire en faux contre la littérature qu'on destine alors aux enfants, celle de la librairie Mame en particulier. Il se propose de distraire les enfants. Romain Kalbris est un récit d'aventures. C'est aussi un livre consacré à la mère.

Dans Le Roman de mes Romans, H.Malot explicite ainsi son dessein :

"C'est miracle, que les livres qu'on me donnait dans mon enfance ne m'aient à jamais dégoûté de la lecture: édités par Mame, avec l'approbation de Mgr l'Archevêque de Tours, comme presque tous ceux qu'on publiait à cette époque "à l'usage de la jeunesse", ces livres qui respiraient le plus profond ennui ne m'ont appris qu'à bâiller, et je les regardais à peu près du même œil que le verre taillé dans lequel, trois fois par an, on me faisait avaler, mon père par force, ma mère par persuasion, la médecine noire qui elle aussi était de mode alors.

Heureusement dans un grenier, jetés en tas, se trouvaient dix ou douze vieux bouquins que leur misérable couverture usée avait fait reléguer là: le Roland Furieux de l'Arioste, le Gil Blas de Lesage; un Molière complet; un tome de Racine; et ceux-là, un jour que j'en avais ouvert un au hasard, m'ont empêché de croire que tous les livres étaient des médecines; combien d'heures ils m'ont fait passer sous l'ardoise surchauffée ou glacée, charmé, ravi, l'esprit éveillé, l'imagination allumée par une étincelle qui ne s'est pas éteinte.

Sans eux, aurais-je jamais fait des romans ? Je n'en sais rien. Mais ce que je sais bien, c'est qu'il m'ont donné l'envie d'en écrire pour ceux qui pouvaient souffrir, comme je l'avais souffert, moi-même le supplice des livres ennuyeux.

Dans Romain Kalbris, en souvenir d'un passé qui m'a laissé des rancunes vivaces, j'ai cherché à amuser ceux qu'on ennuyait, j'ai voulu leur donner le goût de la lecture et aiguiser leur curiosité au lieu de l'émousser ; j'ai voulu aussi provoquer leur intérêt, émouvoir leur cœur les attirer, les retenir, les amener à demander aux livres leurs joies ou leurs consolations.

Dans le nombre de mes romans, quatre ont été inspirés par cette idée : le premier est Romain Kalbris, le second Sans Famille, le troisième La Petite Soeur, le quatrième En Famille.

Ai-je réussi ? Il ne m'appartient pas de le dire. Ce sont les lecteurs de Romain Kalbris ; ceux de Sans Famille, d'En Famille, de La Petite Soeur qui ont bien voulu faire cette réponse.

Mais en même temps, j'ai voulu mettre en scène une idée sous l'obsession de laquelle je suis resté pendant plusieurs années.

J'avais perdu ma mère et je me disais qu'on était fou de s'éloigner de ceux qu'on aime en prenant pour prétexte les nécessités de la vie qui, en réalité ne sont pas si impérieuses que l'imagine l'égoïsme. Qui sait si au retour on les retrouvera vivants ? Quand on les aura perdus, combien ne regrettera-t-on pas de n'être point resté près d'eux autant qu'on l'aurait pu ?

De là est né Romain Kalbris mais sa mise en oeuvre n'a rien enlevé à l'amertume des regrets qui l'ont inspiré." (Le Roman de mes Romans).

Le cadre géographique : La Normandie, Paris.

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